Pourquoi je paille au chanvre ? (A.K.A. chènevotte)

Pourquoi je paille au chanvre ? (A.K.A. chènevotte)

9 septembre 2021 2 Par jo'

On connaît le chanvre pour ses fleurs (têtes) plus ou moins délicates à fumer, ou pour fabriquer des cordages et des vêtements, ou encore son huile au goût rappelant la noisette. Saviez-vous qu’une de ses nombreuses utilisations est aussi d’offrir un excellent paillage au jardin potager ? Je l’ai testé durant tout l’été et je vous livre mes résultats prometteurs.

Mise à jour : 17/10/2021

 

Article en cours de finalisation. Vous pouvez dès maintenant le parcourir pour profiter de mon expérience. Illustrations dès que possible !

Nous allons parler aujourd’hui du chanvre sous forme de paillis, ce sont concrètement des copeaux, autrement dit des déchets issus de la culture du chanvre. J’ai découvert le paillage de chanvre en regardant une vidéo d’un total mordu de paillage : William le potagiste. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est pour le moins surprenant. Je me suis dit qu’un truc pareil, c’était à essayer d’urgence ! Et hop, trouvé en jardinerie ! Au terme de plusieurs mois de mise à l’épreuve, je vous propose un petit retour d’expérience… Je vous propose donc de découvrir les caractéristiques de ce paillage particulier, mes résultats, ainsi que quelques conseils quand à son utilisation (ce n’est jamais de trop)

Cet article sur la chènevotte reflète mes pratiques culturales, mes goûts, inspirations, lectures, expériences, mes méthodes, le terrain difficile sur lequel je tente de cultiver au mieux. Il subsistera de nombreuses lacunes et imperfections, merci d’en tenir compte et surtout… de vous faire VOTRE propre expérience ! Rien de plus enrichissant que d’expérimenter par soi-même 🙂

 

La chènevotte, qu’est-ce que c’est ?

La chènevotte est issue des restes d’industries utilisant la plante entière pour diverses utilisations (vêtements, cordages…). La chènevotte est la partie extérieure des tiges du chanvre, broyées en petits morceaux. Il parait que cette plante ne reçoit jamais de pesticides, ce qui tout comme le foin, lui donne l’avantage d’être en quelque sorte “bio”, même sans le fameux label. Vous n’épandrez pas de pesticides sur votre terrain, c’est déjà un bon début 😉 (et on ne peut pas en dire de même pour la paille, constituée des tiges de céréales comme le blé, bien arrosées de saletés en culture dite conventionnelle !)

Je ne prétends pas que le paillis de chanvre représente une méthode de recouvrement parfaite, ultime, utilisable partout et tout le temps, sans défauts… loin de là. Cependant ses avantages & inconvénients méritent votre attention afin de vous permettre de faire le meilleur choix en fonction de votre situation. Comme tout matériau de recouvrement du sol, le paillis de chanvre a ses propres caractéristiques qu’il est essentiel de bien comprendre avant de l’étaler sans savoir ce que l’on fait (enfin c’est mieux hein, vous n’allez pas tout casser avec ça de toute façon;) )

Certains diront que le paillis de chanvre, c’est snob, trop cher pour ce que c’est… je les laisse penser ce qu’ils veulent 🙂 L’important, c’est de se cultiver. On n’utilise pas partout le chanvre, sur toutes les cultures, ni toute l’année…

 

Les propriétés de la chènevotte en pratique

Les aspects pratiques que je vais aborder reflètent mon utilisation durant le printemps et l’été 2021 sous un climat semi-continental. Printemps humide, été pas trop chaud mais relativement sec. Je me suis parti durant l’été, seuls quelques arrosages et rares pluies ont hydraté le jardin durant mon absence. Je constate les résultats fin août et début septembre.

 

Une couche respirante mais étanche aux adventices

Le paillis de chanvre est parmi les recouvrements les plus efficaces à empêcher la levée des adventices. La lumière a en effet beaucoup de difficultés à atteindre le sol avec une couche de seulement 5 cm d’épaisseur. À mon retour fin août, presque aucune adventice n’a réussi à passer la couverture en paillis de chanvre ! Les quelques unes qui sont passées devaient logiquement avoir germé avant le recouvrement… ce qui ne m’a pas empêché de les arracher avec une grande facilité, puisqu’elles se sont épuisées à traverser la couche…

Malheureusement je ne pense pas que le chanvre soit suffisant à étouffer du rumex ainsi que certaines plantes particulièrement coriaces ! Un arrachage manuel ou un bâchage durant plusieurs mois sera nécessaire pour vous débarrasser de ce type de gêneurs particulièrement coriaces ! Retenez que bien sûr, le paillage est efficace pour empêcher la germination des adventices, en revanche il se montrera en toute logique inutile pour contrer la pousse de plantes déjà installée. (Et sinon comment pourraient ressortir vos cultures au printemps ? 😉 )

 

Excellente capacité de rétention en eau

Le chanvre a cette capacité incroyable à gonfler en présence d’eau, et de la retenir durant un certain temps (qui dépendra de la température extérieure).

Attention cependant : si la saison s’avère assez pluvieuse et que les plantes à protéger craignent un excès d’humidité (oignons…), vos cultures pourraient en faire les frais ! En pratique, je n’ai pourtant jamais fait les frais de ce genre de déconvenues jusqu’à maintenant… Il faut toujours relativiser ce que l’on vous dit. Toujours.

 

Croûte sèche à l’extérieur, humidité à l’intérieur

Une des caractéristiques les plus remarquables de la chènevotte est de constituer en quelques jours seulement une croûte superficielle. Les copeaux de chanvre vont naturellement s’agglomérer et “figer”. En pratique, tout cela restera meuble pour qui gratte un tout petit peu.

 

Isolation thermique face aux grosses chaleurs

Alors là les amis c’est un point particulièrement intéressant. Vous le savez probablement : le chanvre est utilisé comme matériau d’isolation dans certaines maisons récentes. Il se montre également efficace pour limiter les envolées excessives des températures du sol au potager. Bien sûr, un sol est toujours plus actif lorsque sa température augmente, c’est aussi pour cela que certains jardiniers retirent le paillage en début de printemps afin de laisser réchauffer le sol, mais ce n’est pas le sujet.

La chènevotte disposée en plein été, le sol ne se desséchera pas dès les premières chaleurs. J’ai testé en grattant les 5 cm de recouvrement, et effectivement, il y a une sacrée différence de température ! Tout reste “frais” en dessous. Je n’ai pas testé durant l’hiver, pour des raisons que j’explique plus loin. Du coup, je ne sais pas s’il garde aussi bien la chaleur, à tester chez vous…

 

Se fait rapidement dévorer par le sol !

Aspect non négligeable qui représentera un avantage selon certains, un inconvénient pour d’autres : le chanvre a cette tendance à disparaître mystérieusement au jardin… En réalité, il est dévoré par la vie du sol. J’ai l’impression, sur mon terrain, que les cloportes l’affectionnent particulièrement. À noter que globalement, plus votre sol sera vivant, c’est-à-dire habité par une diversité de petite bêtes et de micro-organismes, plus vite le chanvre sera mangé. De base, il s’agit d’une substance facilement assimilable par le sol, assez ligneuse.

Concrètement, les petits tas de chanvre disparaissent totalement à certains endroits du jardin, comme par magie, entre le printemps et l’automne. En quelques mois seulement la nature l’aura converti en substances humiques…

 

En résumé :

Avantages :

  • forte capacité couvrante
  • puissant isolant thermique en couche suffisante (augmenter l’épaisseur en hiver)
  • ne s’envole pas une fois figé
  • repousserait les limaces (dans une certaine mesure selon mon expérience, tout est relatif…)
  • léger, agréable à manipuler, facile à installer au pied des cultures
  • retient remarquablement l’eau en dessous, et laisse une couche sèche en surface.

Inconvénients :

  • apporte surtout du carbone et assez peu d’azote au sol. Rapport C/N de 150. Quelques minéraux.
  • le prix : plus onéreux que d’autres paillages, il peut revenir cher si vous l’épandez sur tout le potager (et que vous l’achetez à prix fort au mauvais endroit)
  • intrant provenant de cultures françaises ou étrangères, le problème reste le même : vous ne le produisez pas vous-même. En cas de crise grave, serez-vous toujours approvisionné… et à quel prix ? dépendance externe.

 

Ce que j’ai fait, ce que je ferai à l’avenir, mes conseils

Je me suis lancé en 2021 dans l’utilisation du chanvre comme paillis pour tenter une nouvelle expérience au jardin et résoudre (en partie) des problèmes de gestion des arrosages. Je suis parti très enthousiaste de ce premier test… et aujourd’hui, après une saison estivale (et automnale) d’utilisation, je n’en suis absolument pas déçu ! Test concluant !

De mon expérience et grâce à mes lectures, je pense qu’il est sage d’utiliser la chènevotte avec discernement, non pas qu’elle soit dangereuse bien sûr, mais l’utiliser d’une façon exagérée ou non optimale risque de vous faire perdre les avantages d’autres pratiques complémentaires. Je m’explique.

 

Où l’utiliser ? Quelles cultures accompagner ?

Tel un bon vin accompagnant un met, il existe des associations culturales plus réussies que d’autres. Ceci vaut probablement aussi entre le type de culture et son paillage. De mon expérience, la chènevotte trouve toute son utilité à couvrir en premier lieu, des cultures que l’on aurait bien du mal à protéger avec des paillages plus grossiers, comme la paille issue des céréales. Essayez de couvrir du basilic jeune par exemple ! Ah oui, c’est compliqué tout en le ménageant ! Avec du chanvre, vous pouvez même pailler sans trop de difficultés une rangée de carottes ! (de quelques semaines). Il suffit d’y aller doucement et de disposer une épaisseur adaptée en fonction de la taille des plans.

Les fraisiers semblent apprécier particulièrement le chanvre. La sécheresse superficielle du chanvre accueille parfaitement les petites fraises, craignant l’humidité 🙂 Alors que le pieds lui restera dans un substrat humide… parfait non ?

Je dirait qu’il n’existe pas beaucoup de contre-indications. Même les oignons n’ont pas pourri alors qu’ils sont censés ne pas aimer l’excès d’eau, un bon point. D’intuition, je dirait que tant que votre sol n’est pas sujet à une forte rétention d’eau (type très argileux), le chanvre conviendra pour pratiquement toute les cultures… À ce sujet, en termes de gestion de l’humidité, j’ai l’impression que la nature du sol importe bien davantage que le type de paillage… en d’autres termes, tant que votre sol/substrat de culture ne retient pas trop l’eau, vous n’avez rien à craindre. Avec mes bacs de culture, je suis à l’abri de tout excès d’eau.

 

Quel est le meilleur moment pour pailler avec du chanvre ?

De mon point de vue, l’intérêt de la chènevotte s’envisage surtout en fin de printemps et durant l’été, au moment où le soleil ainsi que les chaleurs qui l’accompagnent, déshydratent sols et cultures. À ce moment, il constitue une couche isolante forte assez pertinente selon moi. Une fois la saison chaude arrivée à terme, début ou fin septembre suivant votre région et la météo, recouvrez ses restes avec du foin et/ou des déchets verts de cuisine.

En effet, de part sa composition et son rapport C/N assez élevé (150!) une utilisation intensive et annuelle pourrait éventuellement et si vous n’avez pas de bonnes conditions du sol emmener le sol vers ce que l’on appelle, la très redoutée des jardiniers, faim d’azote. (Rassurez-vous, elle est réversible et temporaire). Mouai… je crois qu’il faudrait vraiment abuser de la chènevotte pour en arriver là 😀 !! Dans tous les cas, afin d’éviter ce genre de désagréments, des apports de purins d’ortie fait maison, de sang séché, d’urine, etc, ajoutés dans l’arrosoir de temps à autre se montreront fortement utiles pour bien nourrir en direct vos légumes. (au passage : vous renseigner sur l’utilisation de chacun de ces intrants naturels)

D’autre part, il est peut-être un peu exagéré de tout pailler au chanvre ? Étant donné son prix et ses caractéristiques, ce n’est pas forcément judicieux. Si votre sol est pauvre et a besoin de s’aggrader (contraire de s’aggraver), il est bien plus pertinent d’étendre en priorité du foin en bonne quantité par exemple, des déchets de cuisine, du BRF tout frais, de la tonte… tout ce qui est encore vivant et va se décomposer dans les jours à venir. Cela améliorera le sol sur le plan des nutriments et minéraux.

 

J’ai envie d’essayer ! Où se procurer du chanvre en paillis ?

En temps normal (n’attendez pas trop pour tester hein, l’effondrement avance), vous pouvez vous procurer aisément du chanvre sous forme de copeaux (chènevotte) le plus facilement du monde en jardinerie :

  • au rayon des animaux, proposé comme litière
  • ou au rayon paillages d’extérieur.

La litière est censée être plus fine et délicate pour nos petits rongeurs domestiques, mais à bien y regarder à travers le plastique, je ne vois pas beaucoup de différences de grosseur… Leur prix est aussi assez proche pour ces deux usages. Enfin, j’ai fait le tour près de chez moi dans différents magasins et je dois vous prévenir : les prix sont très variables à poids égal !

Au moins cher, j’ai déniché un sac de 18kg de chanvre au rayon paillages extérieurs pour 16€90, soit environ un peu moins de 1€/kg. Avec autant de matière, on peut protéger un paquet de m². Ne croyez pas l’étiquette, lorsqu’ils vous disent pour tant de m² de surface, car en réalité, fiez-vous à mon expérience, vous pouvez allonger bien plus loin. Je rappelle qu’une épaisseur de seulement 5cm (voire moins) est suffisante dans la plupart des cas ! Je vous rappelle aussi que plus vous achetez en grande quantité, moins c’est cher. Les volumes autours de 20kg sont plus avantageux.

Il existe également du chanvre sous forme de rouleau compressé, mais c’est simplement hors de prix… et beaucoup moins malléable. Je n’en vois vraiment pas l’intérêt…

 

Je souhaite faire pousser mon propre chanvre, chez moi !

Vous êtes certainement quelqu’un de très volontaire, un permaculteur survivaliste qui s’ignore peut-être ? 😉

Il existe en France une législation sur la culture du chanvre, je me dois un peu de vous en informer, au cas où. Il vous serait très avisé si vous souhaitez faire pousser du chanvre sur votre terrain, de connaître un minimum les conditions légales. On nomme aujourd’hui sous la dénomination chanvre, des variétés destinées au textile, papier, cordage… à la différence de cannabis, destiné plutôt au côté récréatif, en gros fumer des pétards. Pourtant il s’agit de la même espèce, mais sous des variétés différentes, sélectionnées pour des usages différents. Le chanvre est couramment considéré comme pauvre en THC et substances psychotropes.

Pour vous commencer à vous renseigner, vous pouvez consulter quelques liens que j’ai trouvé (sans trop forcer) :

Dans le cadre d’une expérimentation purement agricole, maraîchère et potagère, vous pourrez par exemple vous procurer une variété de chanvre Cannabis Sativa sous forme de graines chez le semencier militant kokopelli. Pour ma part, je n’en cultive pas, n’ayant pas la place et surtout pas le voisinage adéquat pour cela 😀

Je ne pourrai être tenu responsable de vos actes, de leurs conséquences, ni des variations de la loi au fil des années, merci de votre compréhension.

 

Alternatives : paillages de miscanthus & lin

Le miscanthus représente avec le lin les deux alternatives les plus crédibles au chanvre, si vous souhaitez rester dans le même type de paillage.

 

Aller plus loin dans la découverte du sol vivant

Je ne saurai que trop vous recommander la lecture de l’excellentissime ouvrage Le Potager du Paresseux, de Didier Helmstetter. Ouvrage réédité dans une seconde édition avec mises à jour et encore plus de contenu 🙂

Ça mériterait bien un petit conseil de lecture, ce bouquin… on verra !